Dans le monde très diversifié des arthropodes, les araignées tiennent une place toute particulière. Mais bien souvent pour des raisons qui dépassent l’aspect scientifique…
Aversion, peur, voire phobie sont souvent des termes que l’on peut associer aux araignées à cause, notamment, des nombreuses fausses informations circulant à leur sujet.
Pourtant, et au-delà de leurs étonnantes capacités, les araignées sont de précieuses ressources pour les milieux naturels ou anthropisés (1). D’ailleurs, les scientifiques s’accordent à dire que les araignées sont des marqueurs importants de la biodiversité dans les milieux.
Mais que signifie être un marqueur de biodiversité ?
Revenons à la place que tiennent les araignées dans les écosystèmes.
Les araignées sont présentes dans la quasi-totalité des biotopes de la planète (hormis les océans, les zones de haute altitude et la zone antarctique). Et, exceptées quelques rares espèces, elles ont toutes un régime carnivore opportuniste composé essentiellement d’insectes ou d’autres arthropodes.
De récentes études ont d’ailleurs montré que les araignées font partie des espèces consommant le plus d’insectes sur la planète. Autrement dit, l’araignée joue un rôle très important dans l’équilibre des réseaux trophiques (2), en limitant la prolifération de certaines espèces d’une part et en influant sur les relations faune-flore dans des milieux très diversifiés. Si on va plus loin, les araignées, grâce à leur alimentation, endosserait presque le costume de protecteur ou de sentinelle de la nature !
Paradoxal ? Pas tant que ça…
Prenons un exemple :
Le printemps arrive et, avec, les prairies fleurissent pour se parer de nombreuses fleurs. Quoi de plus agréable que de se promener dans ces milieux où la vie fourmille et les couleurs sont toutes plus éclatantes les unes que les autres…
Dans ce « tableau », le rôle des pollinisateurs comme les abeilles est bien évidemment essentiel. En allant chercher du nectar pour fabriquer un miel et/ou le pollen pour se nourrir et nourrir les larves, elles transportent un nombre considérable de grains de pollen nécessaire à la reproduction d’un grand nombre de végétaux.
Et c’est là que les araignées-crabes entrent en jeu.
Les Thomisidés (groupe des araignées-crabes) chassent leurs proies sur les plantes voire les fleurs en utilisant parfois le mimétisme pour se rendre quasiment invisibles. Une attaque fulgurante pour saisir la proie qui a eu le malheur de se poser sur les pétales a souvent raison du malheureux. Opportuniste, l’araignée-crabe s’attaque aussi bien aux Lépidoptères (papillons…), Diptères (syrphes, mouches…) ou encore aux Hyménoptères (abeilles par exemple).
On pourrait bien entendu dire que les araignées-crabes ont un impact négatif sur les populations d’abeilles. Mais ce n’est pas aussi simple que cela…
Pour commencer, la réussite d’une telle prédation sur les abeilles est plutôt assez faible car seuls 20 % des attaques réussissent. En d’autres termes, l’impact sur la diversité et le nombre d’abeilles sauvages ou domestiques est trop faible !
Ensuite, on remarque sur certaines prairies que la présence d’araignées-crabes invite les abeilles à modifier leurs comportements et à délaisser certaines fleurs très nectarifères. L’apprentissage des hyménoptères pollinisateurs sur la détection des dangers comme les araignées-crabes modifie donc le comportement alimentaire à l’échelle d’une colonie pour l’abeille domestique ou des individus pour un grand nombre d’abeilles sauvages. Certains pollinisateurs plus imposants (et sûrement plus téméraires) continueront à venir sur ces fleurs où le risque est grand mais où ils auront aussi plus de chance de s’en sortir !
Les pollinisateurs délaissant les fleurs où le risque est important de rencontrer une araignée-crabe ne seront pas en reste mais se concentreront sur des fleurs peut être moins nectarifères mais certainement plus sûr.
Ainsi la pollinisation devient moins sélective et permet entre autres à une prairie de se diversifier et de s’enrichir autant du point de vue de la flore que de la faune.
Un équilibre qui demeure malgré tout fragile, notamment à cause de l’impact de l’homme sur ces réseaux trophiques, et où les araignées-crabes jouent un rôle de sentinelle important.
À savoir :
Si les araignées sont à juste titre considérées comme des prédateurs, elles font également partie du régime alimentaire d’autres animaux et notamment des oiseaux. Pour certaines espèces d’oiseaux, comme par exemple la mésange huppée (Lophophanes cristatus), les araignées constituent une grande partie de leur régime alimentaire.
Bien malgré elles, comme tout type de proie, les araignées participent activement à cet équilibre des milieux dans lesquelles elles évoluent !
Glossaire :
(1) Milieu anthropisé : dit d’un milieu, espace ou écosystème modifié par l’action de l’être humain.
(2) Réseaux trophiques : un réseau trophique représente l'ensemble des interactions d'ordre alimentaire entre les êtres vivants d'un écosystème
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Thomisus onustus et sa proie (cliché © Jonathan Orain)